Jeu concours « Stylos en folie » – Le récit lauréat
En novembre dernier, à l’occasion de l’attribution du prix ANCP 2020 au livre jeunesse « Stylos en folie » – collection Lecture en tête, de Philippe Barbeau et Guy Jimenes, les éditions SEDRAP ont invité toutes les classes de CM1 et de CM2 à participer à un jeu concours : écrire la suite d’un des extraits du livre « Bizarre » et « Madame Chimère ».
Les grands gagnants du jeu concours sont les élèves du groupe CM2 de la classe de Mme Boucard Sanchis, école de Gialla à San Gavino Di Carbini (Corse). Félicitations à Raphaël, Elisa, Louann, Mathis, Angela et Océane !
Les éditions Sedrap adressent également leurs félicitations à tous les autres élèves participants et petits écrivains en herbe, dont les récits nous ont particulièrement touchés !
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Voici le récit lauréat :
Madame Chimère (suite) :
Pendant ce temps-là, à l’intérieur du collège, la sonnerie retentit. Les élèves se précipitèrent dans les couloirs. Guillaume se retourna vers Noémie, Joris et Pang, le visage radieux : « C’est le week-end ! Enfin libres !! ».
Les quatre amis quittèrent le collège. C’est alors qu’ils aperçurent la vieille femme à l’arrêt de bus, de l’autre côté de la rue. Un simple échange de regards suffit aux quatre collégiens pour décider de suivre cet étrange personnage.
La vieille entra dans le bus et ne semblait pas les avoir remarqués. Pourtant, dès que le véhicule s’ébranla, elle se retourna vers les enfants et leur sourit. Pas le temps de réagir ! Le bus magique accélérait, il semblait voler dans un tunnel d’étoiles. Tout se chamboulait dans l’esprit des enfants.
Quand le bus s’arrêta enfin, Noémie lut à haute voix l’inscription sur le panneau qui lui faisait face : «Bienvenue à Dreamword, le monde des rêves». Les enfants échangèrent des regards interrogatifs mais, étrangement, ils n’avaient pas peur.
Mme Chimère s’approcha d’eux, toujours avec son large sourire édenté. Quelque chose dans ses yeux si étranges tranquillisait et apaisait les amis. La vieille leur expliqua qu’il s’agissait de son royaume. De sa voix douce et extrêmement mélodieuse, elle leur dit :
« Je suis la reine des rêves et, aujourd’hui, j’ai besoin de votre aide car mon monde est en grand danger. C’est ici, dans mon monde, que l’imagination des humains est produite : tous les rêves, tout ce que vous pouvez imaginer vient d’ici et tout ce que vous voyez autour de vous est le résultat de l’imagination humaine. »
Elle leur raconta alors comment le roi des cauchemars avait voulu prendre le pouvoir en lui dérobant la pierre qui faisait fonctionner les machines à rêves. « Maintenant, je dois regarder mon monde féérique disparaître. Sans cette pierre pour créer les rêves, le monde des cauchemars est trop puissant. Il absorbe et retient l’imagination et les rêves. Voyez par vous-mêmes, mes chers petits… »
Pour la première fois, les enfants détachèrent leurs yeux de ceux de la vieille femme. Ce qu’ils virent tout d’abord leur plut beaucoup : un monde très coloré avec des donuts vivants, des sucres d’orge magiques qui à chaque pas semblaient s’envoler, des lutins aux chapeaux melons (le vrai melon, le fruit !), des champignons qui faisaient des bulles, des oignons qui pleuraient sans raison et des cadeaux, partout des cadeaux.
Un détail attira leur attention : au coin d’une rue, des camions énormes, noirs, sombres, affreux chargeaient sans ménagement les habitants de Dreamword… non, ils chargeaient des morceaux de Dreamword ! A chaque départ, le paysage devenait gris et sombre.
« C’est le royaume des cauchemars qui s’étend », expliqua d’une voix tremblante Mme Chimère.
« Nous allons vous aider ! Que doit-on faire ? s’écria Pang.
Les joues de la vieille femme reprirent des couleurs.
– Nous devons récupérer la pierre. Elle est bleue avec des étoiles lumineuses à l’intérieur. Elle est ronde et lisse. Son nom est la pierre Rêval. Mais, assez parlé ! Maintenant, allons à Cauchemarland, le monde des cauchemars… -Très bien, mais comment ? demanda Joris.
–Ben, on rentre, ni vus ni connus, dans un de ces camions… ils doivent sûrement y aller, non ? intervint Guillaume.
–Tu as raison, dit Mme Chimère. Allons-y !
Ni une ni deux, les voilà tous les cinq dans un camion-benne, en route pour Cauchemarland. Ce monde était très différent de Dreamword : il était triste, la pauvreté et la désolation emplissaient ce monde noir et monotone.
– Mais où sont passés les petits cadeaux, les lutins et les légumes qui dansent ? s’inquiéta Noémie.
– Dans le monde des cauchemars, ils n’ont tout simplement pas leur place… ils disparaissent, s’évaporent ! lui répondit Mme Chimère. Le roi Badream ne supporte pas la couleur et le bonheur. Il n’aime que la peur et la tristesse… mon monde est tout ce qu’il déteste. C’est pour ça qu’il veut nous faire disparaître. En bloquant leur imagination, les humains ne créent plus… ils oublient leurs rêves, leurs espoirs, ils n’inventent plus… et mon monde meurt. C’est pourquoi, nous devons retrouver la pierre Rêval et rétablir l’équilibre des mondes. Les humains doivent continuer à imaginer, à rêver pour que mon monde existe. Séparons-nous : Noémie et Pang, ramenez les habitants de Dreamword à la maison, ils ne doivent pas quitter les camions. Guillaume et Joris, vous ferez diversion pendant que j’irai au château reprendre la pierre. Retrouvons-nous ici dès que possible. »
La vieille femme ne parut plus si vieille d’un coup ! On aurait cru un capitaine pirate en pleine manœuvre qui commandait d’un ton sûr et clair son équipage.
Noémie et Pang furent les premiers de retour au point de rendez-vous. Après une attente qui leur parut interminable, Mme Chimère les rejoignit en brandissant victorieusement une magnifique pierre d’un bleu profond qui semblait renfermer la voie lactée.
– Elle est … MAGNIFIQUE ! s’émerveilla Noémie. Comment avez-vous fait pour la récupérer ?
Tel un vieux flibustier fier de son coup, Mme Chimère expliqua dans les grandes lignes son stratagème :
– Ce fut plus facile que je n’aurais cru.. 1. J’ai pris l’apparence d’un soldat du roi pour ne pas me faire remarquer. 2. J’ai dû créer un cauchemar pour ouvrir la porte du château. 3. J’ai échangé la pierre contre un shamallow peint en bleu. Et voilà, le tour est joué ! Maintenant, rentrons à Dreamword pour remettre la pierre à sa place… Mais où sont Joris et Guillaume ?
– Ils ne sont pas encore revenus, dit Pang d’une voix étranglée.
Un long moment passa sans nouvelles des deux garçons. Alors, Mme Chimère décida de retourner au château. En entrant dans la salle du trône, la vieille, Noémie et Pang découvrirent leurs compagnons retenus prisonniers dans une cage, gardée par deux soldats. Le roi Badream sourit et grinça :
– Tu pensais vraiment me duper ainsi, pauvre Chimère !
– Rends-moi la pierre sinon…
– Hors de question que je te rende cette pierre. Elle appartient à mon monde et non au tien.
D’un bond aussi vif qu’inattendu, Mme Chimère saisit la main de Noémie et ordonna de sa voix plus douce et plus mélodieuse que jamais : « Tenez-vous par la main, les enfants, et ensemble, libérons la puissance de la pierre Rêval par la force de nos imaginations réunies ! »
Noémie attrapa la main de Pang. Guillaume et Joris en firent de même dans leur cage. Une vague aux couleurs de la pierre déferla aux pieds des cinq compagnons et envahit la salle puis s’étendit à l’extérieur du château sous les yeux horrifiés du roi. La cage qui retenait prisonniers Joris et Guillaume disparut.
– NOOOON ! hurla le roi. Tu ne peux pas faire ça !!
Plus la vague étoilée s’étendait, plus le royaume des cauchemars rapetissait… et son roi avec, si bien qu’à la fin, Badream était le roi d’un pays qui tenait dans une boite à chaussures et lui-même n’était pas plus grand qu’un dé à coudre ! Mme Chimère expliqua alors aux enfants que l’imagination et les rêves étaient sauvés, l’équilibre entre les mondes était rétabli.
– Grâce à vous, nos mondes sont sauvés car l’imagination est un trésor, les enfants. Elle permet de voyager sans quitter son fauteuil, de s’évader des prisons les mieux gardées sans bouger de sa cellule, de créer des histoires, de vivre des aventures… Pensez-y et servez-vous-en ! Nourrissez-la et faites-la vivre…
– Pourquoi ne pas faire disparaître complètement les cauchemars ? demanda Pang.
– Les cauchemars sont utiles à l’imagination… ce sont de vilains rêves, mais des rêves quand même ! Chaque monde a besoin du bien et du mal pour connaître la valeur des choses, répondit Mme Chimère en souriant. Mais il est déjà l’heure…
– L’heure ? répétèrent en chœur les quatre amis.
Mme Chimère leur sourit et dit :
– Répétez après moi la devise de Dreamword, celle qui ouvre la porte de l’imaginaire : « En ce temps-là, ma vie n’était pas facile mais mon cœur avait encore sa place dans le monde des humains »…
Mais avant d’avoir pu répéter cette phrase, les enfants sentirent leur esprit tout chamboulé. Les mots résonnèrent. Au loin, une sonnerie stridente retentit. L’alarme devenait de plus en plus forte et rendait la voix de la vieille inaudible comme se perdant au plus profond de la nuit. Reprenant doucement leurs esprits, ils entendirent une voix familière, celle de leur professeure de français qui commentait les dernières expressions écrites et répondait aux questions des élèves.
– Une chimère, Marie ? C’est une illusion… disait-elle.
Ce fut à ce moment précis que les quatre amis réalisèrent qu’ils étaient… dans leur salle de classe !